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BUSHIDÔ

BUSHIDÔ : Code d’honneur et de comportement social qui exigeait du guerrier, Bushi ou Samouraï – ce dernier étant d’un rang plus élevé –, le sens de la justice et de l’honnêteté, le courage et le mépris de la mort, la sympathie envers tous, la politesse et le respect de l’étiquette, la sincérité et le respect de la parole donnée, la loyauté absolue envers les supérieurs et enfin la défense de l’honneur, du nom et du clan. Selon ce code, les Bushi, et plus particulièrement les Samouraï, devaient observer une étiquette sévère et consacrer leur vie et leur esprit à une ou des activités ‘dépassant l’homme ordinaire’ et transcendant la vie et la mort. Le bushidô est une manière d’être, de se comporter envers ses semblables, et une fidélité absolue à une ligne de vie (autrefois à un maître, à un supérieur), qui faisait appel au respect de soi et des autres, quels qu’ils fussent, faibles ou forts, ainsi qu’à la maîtrise parfaite de son mental, de ses pulsions et de ses passions, afin de maintenir l’esprit en harmonie (Wa) avec l’univers. Il est évident que cet idéal n’était atteint que très rarement.

D’après Louis Frédéric, Dictionnaire des Arts Martiaux (éd. Félin).

19 août 2011 5 19 /08 /août /2011 17:17

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Quoi de mieux que la Dernière Déclaration de Torii Mototada pour ouvrir ce nouvel article? En complément du sujet qui lui est consacré dans la section 'Guerriers Célèbres', voici quelques nouveaux passages tirés de sa lettre, qui avec une conviction inébranlée, donnent à la loyauté une place essentielle dans la vie du guerrier.
"Toi, Tadamasa (son fils), devrait bien comprendre ce qui suit. Nos ancêtres ont été les vassaux personnels des Matsudaira pendant des générations. Mon père, le gouverneur d'Iga, a servit le seigneur Kiyoyasu, et à travaillé plus tard loyalement pour son fils, Hirotada. Mon frère aîné, Genshichiro, a prouvé son absolue loyauté et fut tué à la bataille de Watari.
Quand le seigneur Ieyasu était un enfant et fut envoyé à Suruga, le gouverneur d'Iga l'accompagna en tant que gardien. Plus tard, à l'âge de 19 ans, Ieyasu revint à Okazaki, et le gouverneur d'Iga le servit avec une loyauté insurpassée, vivant plus de 80 ans avec une volonté indéfectible. Le seigneur Ieyasu, pour sa part, considéra le gouverneur comme un vassal inégalé.
[…]
Si tu gardes à l'esprit d'être sincère en sacrifiant ta vie pour ton maître, tu n'auras pas la moindre crainte ou tremblement même lorsque des catastrophes imminentes et innombrables surviendront". 


Il est évident à la lecture du texte complet que la remise en question de la relation seigneur/vassal n'est pas envisageable. Ici, Torii rappelle comment sa famille à toujours servi les Matsudaira, et cette position qui lui semble toute naturelle, est la relation qui pourrait très bien exister entre un père et son fils, innée et immuable. Le lien entre le serviteur et le seigneur est accepté, même plus que cela: il est inhérent au statut de vassal et permet la survie du clan. Torii établit clairement à la fin que ses descendants doivent absolument continuer à servir leur seigneur et le clan en toutes circonstances, dans les bons comme les plus mauvais moments de l'histoire. Cet amour porté au seigneur permet de comprendre le sacrifice fait par Torii, qui finalement n'est pas une renonciation douloureuse à la vie, mais un don volontaire en remerciement même de l'honneur qui est fait au guerrier de pouvoir servir ou mourir pour un maître.
Cet état, qui se rapproche de la relation parent/enfant est mis en avant par de nombreux autres auteurs et sources, classiques ou contemporains.


Selon Yoshida Shoin, "Tous les êtres humains devraient être bien conscients de la raison pour laquelle l'homme diffère des oiseaux et des bêtes. L'homme seul possède les cinq relations humaines (entre dirigeant et sujet, père et fils, mari et femme, entre frères et entre amis). Les plus importantes d'entre elles sont les relations entre gouvernant et sujet et entre père et fils. De ce fait, l'homme est homme en raison de sa loyauté et de sa piété filiale".
Ou encore: " Tous ceux qui sont nés en notre Empire doivent connaître la raison pour laquelle il est appelé le Grand Empire du Japon. Notre Dynastie Impériale n'est-elle pas quelque chose qui a survécu depuis des temps immémoriaux en une seule lignée ininterrompue? Les Vassaux de Sa Majesté ont reçu leur domaine d'une génération à une autre. Les dirigeants ont nourrit le peuple, et de ce fait, nous devons les en remercier pour cela, et nous en sommes leurs débiteurs. Les dirigeants et le peuple sont une seule unité. La loyauté au dirigeant et la piété filiale aux parents sont une seule et même chose. Dans ce monde, notre pays est le seul à posséder ce trait de caractère. Puisque la lignée impériale est telle depuis le début, notre loyauté doit également être maintenue pour toujours. Amano-oshihino-Mikoto a dit 'Celui qui meurt pour son seigneur ne meurt pas en vain'."
(extraits du livre Yoshida Shoin - Forerunner Of The Meiji Restoration, de Henricus van Straelen) 


Yoshida Shoin fut un des acteurs principaux du mouvement de 1868 qui renversa le shogunat pour instituer la Restauration de Meiji. Exécuté à l'âge de 29 ans pour avoir comploté un assassinat envers le shogun, il écrivit avant de mourir: "Pour que le pays de mon Dirigeant (l'Empereur) puisse apprécier la paix – Je donnerais volontiers ma vie"


La dévotion est ancrée dans le cœur des japonais. Yukata Hibino l'avait déjà déclaré dans son livre Learning the Sacred Way of the Emperor: The national ideals of the Japanese people:
"C'est le principe actif de loyauté et de piété filiale qui vitalise le peuple du Japon." 


Par ailleurs, on peut trouver dans les travaux de William Elliot Griffis une analyse de la piété filiale et de la loyauté, si intrinsèquement liées, dans The Religions of Japan:


"Au Japon, la loyauté supplante la pitié filiale.
[…]
En cela repose la différence entre la philosophie éthique chinoise et japonaise. Dans l'ancien Japon, la loyauté était placée au-dessus de l'obéissance filiale, et l'homme qui abandonnait parents, femme et enfants pour le seigneur féodal était couvert de louanges. La pierre d'angle de l'édifice japonais en matière de vertu personnelle et de prospérité publique, est la loyauté.

[…]
Cette passion envers le maître de la part du samurai typique de l'ancien Japon lui faisait considérer la vie comme valant vraiment peu de chose, quand à tout moment le devoir demandait un étalage de la vertu de loyauté. 'Les doctrines de Koshi et Moshi (Confucius et Mencius) formaient, et forment encore peut-être pour le gentilhomme japonais, le canon et la quintessence de toute la sagesse mondiale; elles sont devenues la base de son éducation et l'idéal qui a inspiré ses conceptions de devoir et d'honneur; mais ce qui surpassait toutes ses doctrines et ses aspirations était son désir d'être loyal. On pouvait respecter les relations maritales, filiales, fraternelles et toutes autres, mais la plus grandes d'entre elles était la loyauté ". 


On remarque que Griffis fait référence à la philosophie chinoise. Tout comme pour la vertu de sincérité, on retrouve les racines de la conception japonaise de loyauté dans les pensées du confucianisme. Plusieurs auteurs s'y réfèrent.

Dans Handbook to life in medieval and early modern Japan, de William E. Deal:
"Le système de valeur confucéen met l'accent sur la loyauté (chu), un concept étroitement lié à la piété filiale. Dans le Japon médiéval et au début de l'époque moderne, la loyauté était particulièrement associée à la relation réciproque, mais hiérarchique, entre un supérieur et un subordonné. Un guerrier, par exemple, était obligé de servir son seigneur, même jusqu'à la mort, en échange de la protection du seigneur. Au Japon, une telle loyauté était observée à la fois dans la culture guerrière et dans le gouvernement organisé en fonction d'une série de relations hiérarchiques remontant jusqu'au shogun, pour lequel la loyauté était considérée comme la plus haute vertu".  


Plus précisément encore, Francis Fukuyuma développe la relation qui existe entre la conception japonaise et la conception confucéenne. Trust: the social virtues and the creation of prosperity:
"La doctrine confucéenne comprend un grand nombre de différentes vertus, et stipule que ces vertus peuvent avoir des implications importantes pour les relations sociales du monde. Par exemple, sur les cinq vertus dans le confucianisme chinois orthodoxe, la bienveillance (jen), ou la bonne volonté que le peuple ressent naturellement dans la famille, et xiao, ou la piété filiale, étaient d'une importance centrale. La loyauté est aussi une vertu dans le confucianisme chinois, mais elle est plus considérée comme une vertu individuelle que sociale: on est loyal à soi-même et à ses propres croyances, pas à une source d'autorité politique particulière. De plus, pour les chinois, la vertu de loyauté devait être tempérée par la vertu de justice, ou de droiture.
Vraisemblablement, si une source externe d'autorité exigeant la loyauté agissait de façon injuste, le besoin de jen ne nécessiterait pas une obéissance aveugle.
Toutefois, quand le confucianisme fut importé et adapté aux conditions japonaises, le poids relatif de ces vertus changea considérablement. Dans un document typique de l'interprétation japonaise du confucianisme, l'injonction impériale aux forces armées établie en 1882, la vertu de loyauté s'est élevée au premier rang, et la vertu de bienveillance fut complètement retirée de la liste. De plus, la signification de loyauté se modifia subtilement par rapport à son sens chinois. En Chine, il y avait un sens éthique que chacun avait un devoir envers lui-même, c'st-à dire, des standards de comportement personnels auxquels on devait se conformer et qui servaient d'équivalent fonctionnel à la conscience individuelle occidentale. La loyauté envers un seigneur devait être conciliée entre ce devoir  et ses propres principes. Le devoir envers un seigneur au Japon, par opposition, avait un caractère beaucoup plus inconditionnel".


Concernant ce fameux édit de 1882, Deepak Lal y fait référence dans Unintended Consequences: The Impact of Factor Endowments, Culture, and the rhetoric of history in Japan, France, and the United States:
"Morishima a souhaité identifier les mutations dans la doctrine confucéenne qui se sont effectuées quand la doctrine arriva au Japon depuis la Corée. Citant l'Edit Impérial adressé aux soldats et marins en 1882, il note:
'Dans ce document cinq des vertus confucéennes sont accentuées – loyauté, formalisme, bravoure, foi et frugalité…[Par opposition] dans l'armée de Chiang Kai-shek les éléments principaux pour un esprit soldatesque étaient la sagesse, la foi, lé bienveillance, la bravoure et la rigueur; dans l'ancienne dynastie de Silla en Corée, les qualités stipulées pour les soldats…étaient la loyauté, la piété filiale, la foi, la bienveillance et la bravoure. Seules la foi et la bravoure sont des vertus communes aux trois pays. La bienveillance est commune à la Chine et à la Corée, mais n'est pas mentionnée dans le cas du Japon. La loyauté est commune au Japon et à la Corée mais n'apparaît pas dans la liste des vertus de la Chine…Au Japon, c'était la loyauté plutôt que la bienveillance qui en vint à être considérée comme la vertu la plus importante. …la loyauté coordonnée avec la piété filiale et le devoir envers ses aînés, formaient la trinité qui régulait dans la société les rapports hiérarchiques basés respectivement sur l'autorité, les liens de sang et l'âge' ".

 

Pour Tani Tateki, "dans notre pays, lorsque nous  organisons l'enseignement, nous faisons de la loyauté et de la piété filiale ses bases".


Pourquoi tant d'importance donnée à ces deux vertus? Lorsque l'Empereur Meiji se rendit en 1878  dans des écoles des régions de Tokai et de Hokuriku, il fut stupéfait de constater l'influence grandissante de la pensée occidentale, et demanda à son tuteur, Mototada Eifu (un confucéen), de lui résumer son point de vue:
"L'essence de notre éducation, notre but national traditionnel, et une devise pour tous les hommes, est d'expliquer la voie de la bienveillance, de la justice, de la loyauté, et de la piété filiale, et de maîtriser la connaissance et le savoir-faire et, au-travers de ceux-ci, de poursuivre la Voie de l'Homme. De nos jours, les gens ont été aux extrêmes. Ils se sont imprégnés d'une civilisation étrangère dont les seules valeurs sont la collecte de faits et la technique, violant ainsi les règles des bonnes manières et nuisant à nos manières coutumières. Bien que nous cherchions à assimiler les meilleures caractéristiques de l'Occident et à mettre les nouvelles choses en ordre pour atteindre les hauts buts de la Restauration de Meiji – abandon des pratiques indésirables du passé et apprentissage du monde extérieur – cette procédure a un sérieux défaut: elle réduit la bienveillance, la justice, la loyauté et la piété filiale à une position secondaire. Le danger d'une émulation hasardeuse des manières occidentales est qu'à la fin notre peuple oubliera les grands principes gouvernant les relations entre dirigeants et sujet, et père et fils. Notre but, basé sur nos enseignements ancestraux, est seulement la clarification de la bienveillance, de la justice, de la loyauté et de la piété filiale.
Pour la morale, l'étude de Confucius est le meilleur guide. Les gens devraient cultiver la sincérité et la conduite morale, et après cela ils devraient se tourner vers l'enrichissement en différents sujets d'études en accord avec leurs capacités. De cette façon, la moralité et le savoir technique reviendront à leur juste place. Quand notre éducation est basée sur la Justice et la Doctrine du Milieu, nous devrions être capables de nous montrer fiers à travers le monde, d'être une nation d'esprit indépendant".

 

Nourrir les vertus du confucianisme semble être nécessaire à tout homme, surtout dans des temps comme aujourd'hui. Je laisse chacun essayer de trouver une morale aux paroles de Mototada Eifu. Quelques mots pour la fin cependant à ceux qui ne trouvent pas d'intérêt à cultiver ces vertus ancestrales, et en l'occurrence celle de loyauté:  


"…on devrait savoir qu'on obtiendra certainement la divine protection des kami et des bouddhas"
(Le Message de Maître Gokurakuji)


"…bien que privé de mérites et d'honneurs immédiats, notre acte de loyauté peut cependant influencer les gens, même mille ans plus tard." Yoshida Shoin


(traductions par Shingen) 

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